Jean MOUTON
Un grand ami nous a quittés
C’est prêt d’un millier de personnes qui sont venues honorer la mémoire de Jean MOUTON et l’accompagner à sa dernière demeure.
L’église de Pierrelatte était trop petite pour accueillir tous ceux à qui il a laissé un bon souvenir.
La Légion d’Honneur de la Drôme a accompagné cet ami. On a noté la présence du sénateur Jean BESSON, du général Christian VAN DUYNSLAGER et son épouse, du général ROCHE et son épouse , Colonel BERTRAND, M. Thierry CORNILLET, monsieur Jean GARCIA Maire de Saint Maurice sur Eygues, Mme Josette FABRE, du lieutenant-colonel Marcel SIRDEY, de Guy BLAIN , de Jacky et Suzanne FRA ,de Jean Jacques AYZAC, de M. et Mme LINDEMANN, de Marcel DE PROOST et du porte-drapeau Jean POUPIN et son épouse .
Prirent la parole :
Aimé CHALEON, Vice-président du Conseil Général de la Drôme sous la mandature de Jean MOUTON.
Jean BESSON sénateur il était adversaire politique mais il disait de lui qu’il était le mieux de ce que l’on peut appeler « la méritocratie républicaine »
Nicolas DARAGON président de l’Association des maires de France
Thierry DEVIMEUX, Préfet de la Drôme.
Mais ce que nous retiendrons surtout c’est la prise de parole très émouvante de ses filles Marie-Pierre et Nathalie.
Mon p’tit papa,
Sans doute fatigué d’avoir tant vibré, tant donné, ton cœur a décidé de stopper sa course. Simplement, sans faire de bruit. Généreux de nature, il a choisi son moment s’assurant de nous savoir à tes côtés et dans ta maison en nous offrant en cadeau le temps d’un dernier repas en famille. Le chant des cigales intarissable qui l’animait s’est éteint, vaincu par le froid automnal. Comment pourrait-on lui en vouloir ?
Le vide est abyssal, sidérant mais incapable d’engloutir l’admiration et l’amour que nous te portons.
Interrogé régulièrement sur ton parcours, tu évoquais la chance, oubliant dans ce raccourci trop facile l’énergie que tu déployais à œuvrer :
Chance d’avoir grandi dans un village aux doux parfums de Provence, sur des terres fertiles tributaires d’un Gardon parfois capricieux. Un environnement bucolique favorable au développement harmonieux de petits montfrinois malicieux.
Chance d’être né après deux sœurs qui ajoutaient encore à la tendresse maternelle et d’être le fils d’un agriculteur qui travaillait dur ses quatre hectares de terre, d’une maman aux doigts de fée, couturière. Dans ce quotidien modeste, l’amour et le partage distillaient leurs effluves comme pour mieux cultiver en toi une force et une joie de vivre qui s’accompagnaient souvent d’un humour taquin…Comme lorsque tu nous disais en parlant de ce père, de notre grand-père dont tu étais si fier « il était socialiste mais je vous l’assure, il avait aussi beaucoup de qualités. »
Chance d’avoir bénéficié sur les bancs de l’école d’un maître remarquable qui va révéler ton attachement à la langue française que tu maniais avec sensibilité. De cet instituteur qui, repérant en toi certaines aptitudes, t’ouvrira les portes de l’enseignement supérieur. Ton avenir déviait alors de la trajectoire familiale toute tracée, sans entamer pour autant ton amour pour la nature et ses occupants. Soigner ces chevaux de trait, fidèles compagnons des hommes dans leurs tâches motivera ainsi ton engagement pour des études vétérinaires où se renforce ton tempérament décideur et audacieux. Combien de fois nous as-tu répété sur le ton de la galéjade : « la médecine est l’école du pragmatisme, le contraire de la politique. »
Là, se cache sans doute une des clés de ta réussite. Le sens, le bon sens de la ruralité coulait dans tes veines. Toutes petites, nous connaissions déjà par cœur cette jolie citation de Montesquieu que tu répétais à l’envie: « J’aime les paysans, ils ne sont pas assez savants pour raisonner de travers. »
Ton âme d’enfant imprégnée de simplicité guidera à jamais tes valeurs d’homme et de père. Et elle a nourri aussi jusqu’à ton dernier souffle, ta force, ta résilience et tes choix de vie fondés sur le respect de l’autre. Chasser l’accessoire, miser sur l’essentiel et avancer loyalement, voilà le sens des enseignements dont tu nous abreuvais.
Sous ce drapeau aux couleurs de la France si chère à ton cœur, tu reposes, serein, ému de tant d’hommages, conscient d’avoir mené une existence belle de passions et d’intensité. Le ruban rouge de la Légion d’Honneur orne fidèlement ta boutonnière et ravive en nous la douce nostalgie de ce printemps 91 où tu le portais pour la toute première fois. Ce jour-là, entre solennité et simplicité, tes talents d’orateur avaient tout à la fois su émouvoir, séduire et amuser tes nombreux amis et connaissances venus t’applaudir. La magie opérait encore, gommant les clivages politiques, effaçant la fierté intérieure d’être honoré, nourrissant toujours plus ta soif d’agir. Continuer à bien faire, là était ta raison d’être.
La nouvelle de ton départ samedi est tombée comme un tsunami pour nous recouvrir d’une vague de messages qui saluent ton regard bienveillant, la justesse de tes remarques, le respect que tu portais à chacun, ta fidélité en amitié, ta capacité à rassembler et l’inlassable travailleur que tu étais.
Des messages venus de toutes « ces » Drôme que tu as tant aimées, tant servies, celle des collines verdoyantes, celle, vertigineuse, du Royans Vercors venant épouser la plaine de Valence, celle de la rivière Drôme et sa sublime forêt de Saou, et celle aux accents provençaux avec laquelle la tonalité chantante de ta voix s’accordait si bien.
Des messages qui ont réchauffé nos cœurs si lourds de tristesse et la présence chaleureuse et émue des Pierrelattins. Pouvait-il en être autrement pour toi qui disait t’endormir et te réveiller avec cette ville qui, en 1954 accueillait ce jeune vétérinaire pour en faire quelques années plus tard son Maire dans une longue relation tissée de spontanéité, de confiance et de tempérament.
Pierrelatte respire ton empreinte et cette belle énergie que tu lui as consacrée pour la faire grandir, aménageant ici des infrastructures pour la sécuriser, là des équipements scolaires, sportifs et culturels pour la rendre attrayante, sans oublier de veiller encore et toujours à préserver son histoire et ses lieux authentiques.
Ton amour pour les tiens, pour Pierrelatte et les Pierrelattins ont alimenté ces dernières années ta volonté et ton courage pour vieillir au mieux. Chaque matin tes pas te conduisaient vers le plan d’eau de Pignedoré. Le dos un peu courbé, la démarche ralentie, une canne pour seule aide, ta casquette par tous les temps, tu avançais résolument goûtant avec un plaisir infini les sympathiques salutations des personnes que tu croisais et qui ne t’oubliaient pas. Ton regard embrassait cette campagne tranquille que tu avais façonnée pour offrir à tes administrés un coin de nature si essentiel au bonheur. Le paysage bucolique et la satisfaction du devoir accompli illuminaient alors ton regard avec la prégnance d’antan. Et puis combien de temps partagés avec Guy qui te parlait chasse, rugby, jardin et t’emmenait voir tes copains. Dans tous ces moments de bonheurs simples, la nostalgie se taisait, étouffée par la résilience, cette force intérieure qui t’habitait pour garder l’envie de vivre.
Tu aimais les gens et tu voulais agir pour eux. Dans toutes les étapes de ta vie comme de ton parcours public, leur soutien et leur attachement profond t’ont récompensé au centuple. Ils sont nombreux en ce jour d’adieu à t’accompagner à ta dernière demeure. Tu en serais sincèrement ému et reconnaissant, conscient que leur présence est pour nous d’un grand réconfort.
Quant à nous, et l’étoile de Jacques scintille fortement dans nos cœurs, nos yeux d’enfants te voyaient comme un héros. De longues années après, la force si puissante du temps qui passe, celle qui fragilise les allures et creuse des sillons sur les visages n’a pas eu de prise sur notre regard. Jusqu’au bout tu es resté notre force. Nous sommes chanceuses d’avoir grandi auprès de toi et de notre chère maman qui, consensuelle et patiente, a toujours su te suivre sur tes chemins animés tout en veillant à notre équilibre. Ne sois pas inquiet, nous sommes là auprès d’elle pour prendre ton relais.
Ton sens de la famille, ton amour pour les tiens se lit pareillement sur les visages de tes petits-enfants. Ils sont tous là portant ta petite Laura chérie très fort dans leur cœur. Leurs yeux mouillés tentent vainement de contenir leur chagrin en ce jour de deuil d’un grand-père admiré, d’un Papalou adoré et taquin qui savait si bien les faire rire et les intéresser.
« Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants. »
Jean D’Ormesson a raison, papa chéri, tu es loin de nous quitter.
Tes filles, Nathalie et Marie-Pierre
Marie Pierre lui a pour ainsi dire succédé à la présidence du conseil général devenu conseil départemental et la photo ci-dessous symbolise bien cette liaison père-fille.