Cérémonie dite DU TRAIN FANTOME
Cette cérémonie a lieu tous les deux ans devant la gare de Pierrelatte où une plaque commémore ce triste évènement.
La gare en 1944 Reproduction du drame
Notre ami MOISSON, organisateur de la cérémonie et président du Souvenir Français, a retracé l’histoire de ce tragique évènement.
Le 19 aout 1944 un drame s’est déroulé en gare de Pierrelatte.
Un train militaire allemand en direction des camps d’extermination, transportait des déportés en provenance de Toulouse. En effet dès la fin du mois de juin 1944, tous les prisonniers politiques du Sud-Ouest de la France avaient été regroupés pour embarquer dans l’un des derniers convois partant Outre-Rhin.
Le 19 août il arrive en gare de Pierrelatte, mais croyant qu’il s’agit d’un train de troupes allemandes, les anglais le mitraillent sans savoir que dans le train il y a 700 hommes et femmes entassés dans les wagons, provoquant de nombreux morts et blessés.
L’un d’entre eux, Raphael JIMENA, retrouvé inanimé et pris pour mort par les Allemands a dû son salut grâce à l’intervention du docteur Gustave Jaume (qui fut maire de Pierrelatte) et de son épouse. Ce blessé, à qui ils prodiguèrent les premiers soins, fut caché, transporté à l’hôpital de Valréas et finalement sauvé. Le convoi repartit en direction de Montélimar pour s’y arrêter et remettre entre les mains de la Croix Rouge les blessés ainsi que les morts aux autorités civiles.
Ce voyage d’horreur a duré deux mois, puisqu’il arriva à Dachau le 28 août 1944.
Jean Pierre PLANE, 1er adjoint au maire de Pierrelatte, nous a lu un émouvant écrit de VICENTE médecin et passager du train.
J’ai choisi de vous lire un extrait du témoignage de Vicente, Docteur espagnol, réfugié en France et passager du train fantôme. Vicente a écrit ce témoignage qui concerne le samedi 19 août 1944 au matin en gare de Pierrelatte.
3 Juillet 1944, 750 prisonniers partent de Toulouse à bord de wagons surpeuplés. Ils arriveront deux mois plus tard à Dachau, le 28 août 1944. Ils s’appellent Henri, Willy, Alice, Vicente, Erwin, Etienne, passagers du train fantôme ; Ils ont vécu la chaleur insoutenable, l’impuissance, la cruauté des hommes, la mort et ils racontent.
« Lorsque le corps est mort, l’âme se met à parler et les souvenirs voyagent »
Voici ce que Vicente écrit :
« Dans le wagon l’atmosphère est pesante. Nous sommes entassés les uns sur les autres. Nous avons chaud et une odeur nauséabonde amplifie cette sensation d’oppression. Maintenant j’essaie de penser à autre chose, je sombre dans mes pensées.
Je repense à mon parcours. J’étais médecin en Espagne dans ma ville natale à Madrid ; je menais une vie calme avec mes enfants et un emploi stable, une vie simple et agréable ».
Vicente explique sa fuite périlleuse de l’Espagne franquiste et son exil en France pensant y trouver paix et liberté. Ce ne fut pas le cas, séparé de sa famille il fut interné dans un camp avec pour l’obsession d’en sortir et retrouver sa femme et ses enfants.
Rappelé à la réalité, Vicente poursuit son témoignage :
« Un relent nauséabond de l’odeur ambiante du wagon arrive à mes narines et la sensation affreuse d’oppression me reprend.
Cet été 1944 est un véritable cauchemar pour moi et tous ceux qui sont à mes côtés dans le troisième wagon du train. Je suis assis dans le coin le plus éloigné du groupe, ma tête coincée entre les jambes me concentrant sur ma respiration.
J’entends à peine les souffrances des personnes âgées qui gémissent afin de soulager leur douleur. En vain. Je peux voir leur silhouette maigre et fragile se tortiller à travers la pénombre, évitant le moindre contact avec leurs camarades se repliant sur eux-mêmes, comme cherchant un refuge dans cette tragédie. A ma droite, un jeune homme craintif est plongé dans un silence absolu. Il est vêtu d’un maillot blanc et d’un pantalon noir déchiré, ce qui me permet d’apercevoir des blessures.
Tout à coup, on entend des avions qui se rapprochent, ils volent très bas. Ils vont nous bombarder !
Un homme hurle « Des Américains ! Ce sont des Américains, vite sortons un fanion blanc par la fenêtre pour qu’ils nous reconnaissent ! » Je me jette sur ce jeune homme craintif et le somme de quitter son tricot pour le passer par la fenêtre.
Les Américains comprennent que nous sommes des prisonniers et s’en vont. Les « Boches » comme disent les Français, décident d’arrêter le train et entrouvrent les portes. La lumière m’éblouit et je peux découvrir l’horreur de la scène. Des corps gisants sur le sol, d’autres hurlant de douleur.
Un homme arrive en courant, je m’approche de lui et lui demande : - « Vous êtes médecin ?- « Oui, je suis Gustave Jaume ».
Nous arrivons à convaincre les soldats allemands de pouvoir soigner les blessés. Les bombardements semblaient avoir traumatisé les Allemands qui se tenaient éloignés du train.
J’appelle mon ami belge Willy, médecin lui aussi. Les blessés ont été sortis des wagons. C’est un carnage, les blessures sont très graves et nous ne pouvons pas faire grand-chose. L’un des blessés m’implore du regard. Quand je me rapproche de lui, je peux apercevoir trois grosses plaies à cause du bombardement.
Sa main gauche et sa jambe droite étaient condamnées. Le Docteur Jaume insiste pour garder les blessés. L’Officier allemand est intraitable. L’ordre est donné de les remonter dans le train.
J’ai l’impression qu’il manque mon compagnon Raphaël JJIMENA. J’espère vraiment qu’il ne soit que blessé et qu’il sera sauvé par ce bon Docteur Jaume.
Le docteur Jaume me fait comprendre très discrètement que je peux rester avec lui et ne pas repartir, me faire passer pour un Pierrelattin. J’avoue que sa proposition me tente énormément. Je continue d’aider les blessés tout en réfléchissant à la proposition du médecin. En aidant le dernier blessé à monter dans le train, je comprends qu’ils ont besoin de moi. A ce moment-là, je me dis que si moi j’étais à leur place, j’aimerais que l’on me vienne en aide. Mon sens du devoir prend le dessus, et la peine que j’ai pour ces gens-là est plus forte que tout. Malgré la folle envie que j’ai de m’évader, mon cœur me dit de rester auprès d’eux, pour continuer à les soigner. C’est l’une des pires décisions que j’ai eu à prendre. D’un côté ma liberté, d’un autre, mes camarades ayant besoin de moi. Je prends une grande inspiration, et dis au Docteur Jaume « Merci, mais je reste ».
Je jette un dernier regard sur la Gare. Un silence assourdissant s’est installé et c’est presque insoutenable.
Il remonte dans le wagon et ressasse ses souvenirs et la dernière ligne du témoignage de Vicente est :
Notre convoi, après être resté de longues heures en plein soleil en gare de Pierrelatte, repart.
Vicente mourut en déportation.
Puis ce fut l’écoute du champ des partisans et les dépôts de gerbes, par le Souvenir Français, l’Association du Train Fantôme de Sorgues, puis celle des Associations d’Anciens Combattants, puis celle de la mairie de Pierrelatte enfin celle du conseil départemental par sa présidente Marie Pierre MOUTON.
En fin de cérémonie Michel MOISSON appela Hadrien Laffont Hébrard , lycéen et récent lauréat départemental du concours national de la Résistance et de la Déportation(CNRD).
Ce pierrelattin poursuit ses recherches sur cette partie de l’histoire si bien que pendant l’été il alterne ses recherches aux révisions du baccalauréat.
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Vous pouvez aussi consulter deux articles sur ce sujet : celui du 16/08/2019 dans la rubrique « ACTUALITES» du site internet du comité de la drome Provençale et celui du 10/10/2017, très détaillé, dans la rubrique « VIE DU COMITE ».