Jean NOUBAR ARAKELIAN nous a quittés
Décédé le 21 mai 2024 ses obsèques ont eu lieu le 24 mai à Montélimar.
C’est notre ami Jean Claude LAUNAY qui a lu l’éloge funèbre écrite par le général Alain ROCHE.
Chers amis, le général Alain Roche, m’a chargé de vous présenter ses profonds regrets de ne pouvoir être avec vous, aux côtés de la famille de Monsieur Arakélian.
Il m’a proposé de lire un texte qu’il a rédigé à l’attention de notre camarade et de sa famille.
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Hommage du Général Alain Roche à Monsieur Noubar Arakélian
à Montélimar le 24 Mai 2024
Chère famille de Monsieur Noubar Arakélian, chère Françoise, sa fille avec laquelle nous avons tissé, mon épouse Danièlle et moi, des liens forts depuis six années, chers amis, je remercie l’adjudant-chef, Jean Claude Launay, de me permettre d’être avec vous cet après-midi par la parole et le cœur.
Notre cher Noubar nous a quittés ce mardi 21 mai au petit matin.
J’ai fait sa connaissance à l’automne 2018, plus précisément le soir du cocktail annuel de la Légion d’Honneur. Je l’avais invité à se présenter, mais au préalable je lui avais dit : « Cher Monsieur, deux minutes, pas plus, notre programme est très chargé ». « Pas de problème mon général » m’avait-il répondu. Plus d’un quart d’heure plus tard, Noubar avait trouvé son rythme de croisière et racontait sa carrière, sa vie et son parcours de résistant. J’ai dû tenter plusieurs essais pour pouvoir passer à l’ordre du jour suivant. J’étais impressionné, cet homme de 95 ans, se souvenait de tout. Son propos était construit, son verbe éloquent. Chapeau bas.
Cinq mois plus tard le 8 mai 2019, j’avais l’immense honneur de lui remettre la croix de chevalier de la Légion d’Honneur. Certains sur les rangs avaient déployé leurs parapluies pour se protéger d’une pluie généreuse. Noubar marchait, martial, digne, nue tête. Ce fut un grand moment pour lui, sa famille et nous tous.
Oui Noubar n’avait pas besoin de parapluie. Il avait déjà vécu tout au long de sa vie des situations bien plus difficiles et dangereuses.
Il est né à Beyrouth au Liban le 10 septembre 1924, dans un camp de réfugiés, élevé par ses parents arméniens qui avaient fui la Turquie et avaient survécu au génocide perpétré par les Ottomans. Il était arrivé en France en 1929, il y a 95 ans. Pour comprendre son parcours, je vous invite à conserver en mémoire quelques mots comme courage, volonté, humilité, gentillesse, résilience, amour de ses deux pays l’Arménie et la France.
Oui cette France, sa terre d’accueil, pour laquelle, par patriotisme, il s’est battu avec une détermination admirable.
Oui cette Arménie qui a forgé son caractère dès les premières lueurs de sa tendre jeunesse. Ses parents lui avaient transmis les plus belles valeurs humaines. Il avait en lui cette soif de liberté et de justice et de ne jamais céder à l’intimidation.
Lorsqu’éclate la seconde Guerre Mondiale, sa vie va à nouveau être bouleversée. Il refuse de servir l’occupant. Quand la police de Vichy vient le chercher sur son lieu de travail pour rejoindre le Service de Travail Obligatoire (STO), en quittant Montélimar début 1943, il a déjà en tête son évasion.
Dès son départ pour le STO, à la Base de sous-marins de Lorient, il est convaincu qu’il doit agir au plus tôt. Il est persuadé qu’une fois en Allemagne, il sera alors assassiné.
Lui cet apatride, fils d’immigrés arméniens non encore naturalisés français, détenteur du seul passeport Nansen de la Société des Nations, il n’aurait eu aucune chance de survivre aux nazis.
Profitant d’un bombardement britannique, il s’enfuit de Lorient et réussit après plusieurs jours et de nombreuses péripéties à rejoindre Montélimar et son père. Il le rassure puis s’éclipse en ne disant rien de ses projets. Il sait que la Gestapo, viendra régulièrement interroger et harceler son père, veuf, et sa jeune sœur, afin qu’ils avouent le lieu où il se cachait.
Du 2 avril au 30 septembre 1943 il reste camouflé et protégé, en travaillant à Savasse dans la ferme de M. Joseph Ribagnac dans l’attente de la formation des maquis. Il intègre l’Armée Secrète Drôme et le 1er octobre 1943, il est nommé par le lieutenant-colonel Moulin alias Viviers, pour prendre ses fonctions dans le groupe de sabotage Daujat dans le secteur de Montélimar. Jusqu’au 13 janvier 1944, il opère autour de Montélimar pour diverses missions de liaison, mais aussi le transport d’armes et de munitions. Pendant toutes ces opérations, il a utilisé deux identités. Il s’est fait appeler successivement Robert Farjon et Michel Varraud profession cultivateur.
Il est affecté le 14 janvier 1944 au 2eme Bataillon Drôme Centre à la 5eme compagnie Corps Francs puis au CP 106 du Groupe Perrin. Sa connaissance et son expertise des armes, acquises lorsqu’il était apprenti chez l’armurier montilien Brossard, lui sont bien utiles pour mener à bien ses missions de résistant. Il est nommé armurier au maquis Perrin. Son nom de maquisard est « Sako »
Le 56 juin 1944, il est affecté au 2eme Bataillon Drôme Centre au plateau de Combovin dans le Vercors sous les ordres du lieutenant Prongué alias Perrin, chef de maquis.
Le 13 juin 1944, il fait partie avec le groupe Perrin de l’opération menée contre les troupes allemandes stationnées à Crest.
Il participe ensuite à la défense du Vercors pendant l’attaque allemande du 21 juillet 1944 ainsi qu’à l’opération au Passage des Tourettes le 27 juillet 1944.
Enfin, du 25 au 31 aout 1944, il est engagé dans les combats pour la libération de Valence au titre des opérations des FFI les Forces Françaises de l’Intérieur, dans le régiment de la Drôme sous les ordres du lieutenant-colonel Legrand.
Ses mérites éminents ont été reconnus par la croix de chevalier de la Légion d’Honneur, la Croix du Combattant, la Croix du Combattant Volontaire de la Résistance et du Conseil National de la Résistance.
Cher Monsieur Arakélian, cher Noubar, toute votre famille, vos proches, vos frères d’armes, nous tous, nous pleurons votre départ.
Je garde en moi le souvenir d’un homme particulièrement attachant, toujours souriant, porteur de grandes valeurs.
Vous étiez un grand soldat, un grand monsieur.
Au revoir mon Frère d’Armes.
Le comité de la Légion d’Honneur de la Drome Provençale était représenté par Mme Monique MARTINEU, Jean Claude LAUNAY et Jean POUPIN qui portait le drapeau de notre comité.