102éme anniversaire du génocide arménien

23 avril 2017

Ce lundi 24 Avril avait lieu le 102ème anniversaire du génocide arménien.
Nous représentaient notre Président, le général Alain ROCHE, le Dr André ALLAND, Vice-Président, Le Colonel Pascal DUFOURT, Mr André ORSET-BUISSON, Mr Jean Jacques AYZAC , le lieutenant  Claude GORCE, et notre porte drapeau Mr Guy LORRAIN.

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

   

 

 

Mr KELEDJIAN , en tant que représentant de la mémoire arménienne, mit en évidence avec gravité et émotion, le processus qui avait amené à l'extermination de 1.500.000   arméniens en l'espace de 4 mois...( A titre de comparaison les Nazis avaient mis 4 ans pour exterminer 6.000.000 de Juifs et dans la guerre opposant les TUTSIS et les HUTUS, 800.000 avaient été tués en 3 mois!)
Vous trouverez ci-dessous le texte de son allocution.

 

"Les Arméniens , partout dans le monde, commémorent depuis 1965 en ce jour du 24 avril, le   génocide  survenu il y a 102 ans  en 1915.

Cette cérémonie de commémoration est un hommage rendu aux victimes ,  nos ancêtres dont nous avons hérité la blessure et le traumatisme.

Nous les portons en nous.

Cet hommage est la sépulture symbolique de toutes celles et de tous ceux qui sont tombés , déshumanisés avant même de mourir.

Le déni du génocide , celui même de l'existence des Arméniens par l'état turc est indigne et insoutenable.

Nous n'abandonnerons jamais notre lutte pour la justice , avec l'aide pour ce qui nous concerne de la France.

Commémorer doit porter l'espérance d'un  futur apaisé qui seul permet de se reconstruire.
 

Nous avions  parlé dans les discours précédents, des espoirs suscités par les initiatives d'intellectuels et d'associations turcs voulant promouvoir la vérité et le rapprochement entre les peuples.Nous avions également rapporté les timides tentatives diplomatiques visant à restaurer des relations entre la Turquie et l'Arménie.Mesdames et messieurs , malgré l'obstination turque à nier la réalité historique,  redisons-le haut et fort  : oui le génocide des Arméniens de l'empire ottoman a malheureusement eu lieu.
 

C'est  en référence à cette tragédie de 1915-1916 que le juriste  juif polonais   Rafaël Lemkin a créé le concept de génocide en 1943 :

Il s'agit de « la volonté de destruction de la vie d'une population en raison de critères ethniques, culturels ou religieux selon un plan méthodiquement coordonné ». L'assemblée générale des Nations-Unies a adopté ce concept le 9 novembre 1948 (Turquie comprise), dans sa convention sur la  prévention et la punition du crime de génocide.
 

Le génocide des citoyens arméniens  vivant dans l'empire ottoman s'est inscrit dans un projet d'homogénéisation ethnique dans le contexte de la 1ère guerre mondiale sur son front oriental. Grecs ,Juifs ,Assyrochaldéens  en ont  également été les victimes.

La finalité était que l'empire ottoman devienne  uniquement turc.
 

En 1915 les  Arméniens au nombre de 2 millions vivaient majoritairement en Anatolie de l'est et dans les grandes villes  notamment à Constantinople. Ayant accepté leur destinée historique d'être des citoyens ottomans ils contribuaient largement à la vie sociale , économique et culturelle  à tel point qu'on les qualifiait de « sujets fidèles ».
 

En moins d'un siècle, à partir de 1830, l'empire se désagrège . Les divers peuples qui le composent réclament soit leur indépendance , soit davantage d'autonomie ou encore comme les Arméniens une simple égalité de statut juridique avec les musulmans.

Après les massacres  de 1895-1896 faisant 300000 victimes , les Arméniens mettent beaucoup d'espoir dans la prise du pouvoir en 1908 par le parti Jeune Turc.Ce nouveau parti politique veut imposer au sultan un régime parlementaire, la liberté d'expression et surtout l'égalité des droits entre tous les citoyens.
 

Mais confrontés à la politique impérialiste  des puissances occidentales,  les  Jeunes Turcs adoptent dès 1909 une position nationaliste, sectaire et pour tout dire raciste. La chasse à l'ennemi intérieur reprend : 30000 arméniens périssent ainsi à Adana en 1909.
 

Finalement, pour réaliser leur rêve d'unification des Turcs  de la Méditerranée aux steppes d'Asie centrale, les membres dirigeant (Talaat, Enver et Cemal) décident d'éliminer tous les Arméniens et plus généralement les non-musulmans. Mais le facteur religieux n'est qu'un prétexte.
 

Début 1915 la purification ethnique débute.

Dans chaque village, chaque bourg, chaque ville l'ordre de déportation est affiché .

Les hommes sont tués sur place.

Les convois de femmes, d'enfants, de vieillards  prennent la route de l'enfer  en suivant des trajets prédéfinis .

Ils meurent sur les chemins qui les mènent dans le désert syrien, de faim, de froid, brûlés, torturés.  Les survivants sont exterminés.

Puis, le 24 avril, 650 membres influents de l'élite arménienne de Constantinople sont arrêtés, déportés et tués.

Cette date du 24 avril est symboliquement retenue pour commémorer le génocide.
 

Le programme d'extermination est précis :

Le télégramme adressé par le 1er ministre Talaat à la préfecture d'Alep le 29 septembre 1915 est effrayant :

Je cite : «  Il a été précédemment communiqué que le gouvernement, ,  a décidé  d'exterminer entièrement tous les arméniens habitant en Turquie. Ceux qui s'opposeraient à cet ordre et à cette décision ne pourraient faire parti de la forme gouvernementale. Sans égard pour les femmes, les enfants et les infirmes, quelque tragiques que puissent être les moyens de l'extermination,  sans écouter les sentiments de la conscience, il faut mettre fin à leur existence »

Fin 1916 un peuple a failli disparaître : On estime à 1 million et demi le nombre de victimes.

La majorité des assassinats s'est déroulée en 3 mois entre juin et août 1915 .

C'est la preuve formelle de l'intention et de l'organisation criminelles.

Hitler allait quelques années plus tard porter une réelle admiration aux « Jeunes Turcs ».

1918 voit la chute de l'empire.

Le traité de Sèvres du 10 août 1920 prévoit l'indépendance et la souveraineté d'un état arménien ainsi que des sanctions contre la Turquie.  Il ne sera jamais appliqué et sera même annulé par le traité de Lausanne en 1923.
 

L'empire ottoman, multiethnique et multiconfessionnel devient le 29 octobre 1923 un État-nation turc et musulman par la volonté de son fondateur le géneral Mustapha Kemal dit « ataturk »

Ce nouvel état est clairement fondé sur l'élimination d'un peuple , le vol de tous ses biens , l'effacement de toutes les traces de son existence. Les Arméniens survivants sont sommés de quitter la Turquie avec un statut d'apatride.
 

Les héros de la révolution kémaliste (pas Kemal lui-même) et les fondateurs de la république turque sont en majorité des responsables, des organisateurs ou des exécutants du génocide.

On se demande  pourquoi la Turquie actuelle ne suit pas l'exemple de l'Allemagne qui a reconnu la Shoah.

C'est que l'Allemagne qui s'est repentie n'était pas l'Allemagne nazie alors que la Turquie actuelle est l'héritière du génocide.
 

Depuis 1923 le négationnisme de l'état turc, le déni qui tue une seconde fois les victimes est  un véritable  travail de professionnels , une « industrie » selon l'historien turc Taner Akçam : nier , minimiser falsifier, en faisant des victimes, les bourreaux.

L'assassinat du journaliste turcoarménien Hrant Dink perpétré par l'extrême droite  en 2007 à Istanbul illustre cette politique.

L'hypocrisie de l'état turc qui propose des débats entre historiens tout en punissant de 10 ans de prison quiconque parlerait de génocide en est un autre exemple.

Des menaces diplomatiques et économiques  pèsent sur les états qui reconnaissent le génocide des Arméniens.

Malgré ces tentatives d'intimidation,  une trentaine de pays ou de parlements l'ont officiellement reconnu à ce jour et parmi eux  le parlement allemand qui par la même occasion a admis l'implication de ce pays dans la réalisation du crime.
 

En France , depuis la reconnaissance officielle du 28 janvier 2001, le débat juridique porte sur la pénalisation du déni de génocide, à l'image de la loi Gayssot concernant la Shoah.
 

Actuellement l'Arménie moderne indépendante depuis 1991 est coincée entre la Turquie à l'ouest et l'Azerbaïdjan à l'est . Ces deux états turcophones vouent une haine farouche aux Arméniens , à tel point que leur désir de parachever le crime de 1915 n'est pas qu'un fantasme : en attestent :

- en 2014 la tentative d'éliminer les Arméniens de la région du Kessab en Syrie par des mercenaires soutenus par la Turquie

- en avril 2016 l'agression militaire azérie sur le Karabagh

-toujours en 2016 les lynchages de conscrits turcs d'origine arménienne à la suite du coup d'état manqué en Turquie...

et le oui au président Erdogan au referendum du 16 avril dernier ne suscite pas  l'optimisme puisque le nationalisme est un des piliers de sa politique.
 

Mesdames , messieurs  chers amis
 

En ce jour de deuil c'est avec émotion que nous pensons à nos morts et à tous ceux qui , en ce moment même subissent une violence meurtrière les conduisant sur les chemins de l'exil quelque soient les raisons de leur discrimination .

 Alors, poursuivons l'œuvre de Rafaël Lemkin et associons-nous à tous ceux qui sont animés par l'esprit de justice donc de respect d'autrui .  Chaque être humain doit pouvoir en effet se construire un avenir sans être menacé par un quelconque totalitarisme .
 

 Ph.KELEDJIAN

Cette allocution fut suivie par celles de Mr ORSET-BUISSON, représentant Mr Franck REYNIER puis par celle de Mr Patrick LABAUME, en tant que Président du Conseil Départemental de la Drôme.

Quelques photos de la cérémonie:

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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